Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/62

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porte. Ils marchaient dans la rue, pleins d’angoisse, apercevaient la maison, montaient l’escalier, entraient dans la chambre et se mêlaient l’un à l’autre. Quel cri ! Ils liquidaient l’arriéré de quatre jours, se gonflaient, luttaient à plein corps et retombaient enfin, suants, vidés, mais conservant au fond d’eux-mêmes le souvenir du passage d’un roi. Elle promenait cela dans les allées, arrêtait son œil sur une touffe d’herbe et la sentait lui répondre. Elle découvrit aux choses un sens intime et un langage. Il y avait des pigeons dans la maison. Lorsqu’elle était enfant, elle se plaisait à les effaroucher et ne remarquait dans leur vie que les chiures dont ils salissaient tous leurs perchoirs. Elle les vit un jour, dans leur cendre et leur plume, les comprit d’un seul coup, s’éclaira de leur passage et les nomma. Jamais elle ne s’était imaginée que les pigeons étaient des colombes. Un coin du monde en fut changé, la poésie s’accrut d’un oiseau. Elle pensa aux colombes en haut des toits, écouta leur plainte et s’en répéta le nom : roucoulement, dans un murmure qui lui gonflait la gorge aussi et la faisait participer