Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/90

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L’homme vit de comparaison : on l’aimait de vous donner à chaque pas l’illusion de sa défaite. Il était assez difficile de le connaître. Son père était charron, et il sortait d’une de ces races ouvrières qui ne se sont guère affranchies depuis 89, mais que n’ont pu briser mille années de servage et de travaux à pleins membres. Un jeune homme, encore.

Il avait été un des bons élèves de l’École Centrale, à la sortie de laquelle, entré comme ingénieur dans une fabrique de produits chimiques, il sembla pendant quelque temps filer droit, s’installer dans une classe supérieure, y trouver sa place.

La première année ne s’était pas écoulée, qu’une grève qui survint le troubla comme un pauvre, le frappa à l’endroit où tous ceux de sa race avaient peiné. Il prit la parole au nom des grévistes et, de proche en proche, arriva simplement à ce résultat d’injurier le directeur de l’usine et de comprendre que Jean Bousset, fils d’un charron, portait jusqu’au fond des moelles le sentiment de sa naissance. Il avait cru jusqu’alors qu’un être existait, qui s’appelait l’homme et qui pouvait, ne gardant au-