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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/122

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méditation VI

vin chaque jour. Le même homme ne soutiendrait pas aussi longtemps une pareille quantité de café : il deviendrait imbécile, ou mourrait de consomption.

J’ai vu à Londres, sur la place de Leicester, un homme que l’usage immodéré du café avait réduit en boule (cripple) ; il avait cessé de souffrir, s’était accoutumé à cet état, et s’était réduit à cinq ou six tasses par jour.

C’est une obligation pour tous les papas et mamans du monde d’interdire sévèrement le café à leurs enfants, s’ils ne veulent pas avoir de petites machines sèches, rabougries et vieilles à vingt ans. Cet avis est surtout fort à propos pour les Parisiens, dont les enfants n’ont pas toujours autant d’éléments de force et de santé que s’ils étaient nés dans certains départements, dans celui de l’Ain, par exemple.

Je suis de ceux qui ont été obligés de renoncer au café ; et je finis cet article en racontant comme quoi j’ai été un jour rigoureusement soumis à son pouvoir.

Le duc de Massa, pour lors ministre de la justice, m’avait demandé un travail que je voulais soigner, et pour lequel il m’avait donné peu de temps : car il le voulait du jour au lendemain.

Je me résignai donc à passer la nuit ; et pour me prémunir contre l’envie de dormir, je fortifiai mon dîner de deux grandes tasses de café, également fort et parfumé.

Je revins chez moi à sept heures pour y recevoir les papiers qui m’avaient été annoncés ; mais je n’y trouvai qu’une lettre qui m’apprenait que, par suite de je ne sais quelle formalité de bureau, je ne les recevrais que le lendemain.

Ainsi désappointé, dans toute la force du terme, je retournai dans la maison où j’avais dîné, et j’y fis une