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Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/157

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succès ; on ne trouvera point à emprunter ; il y aura étisie, marasme, mort civile. »

L’événement démentit ces terreurs, et, au grand étonnement de tous ceux qui s’occupent de finances, les payements se firent avec facilité, le crédit augmenta, on se jeta avec avidité vers les emprunts, et pendant tout le temps que dura cette superpurgation, le cours du change, cette mesure infaillible de la circulation monétaire, fut en notre faveur : c’est-à-dire qu’on eut la preuve arithmétique qu’il entrait en France plus d’argent qu’il n’en sortait.

Quelle est la puissance qui vint à notre secours ? Quelle est la divinité qui opéra ce miracle ? la gourmandise.

Quand les Bretons, les Germains, les Teutons, les Cimmériens et les Scythes firent irruption en France, ils y apportèrent une voracité rare et des estomacs d’une capacité peu commune.

Ils ne se contentèrent pas longtemps de la chère officielle que devait leur fournir une hospitalité forcée : ils aspirèrent à des jouissances plus délicates, et bientôt la ville-reine ne fut plus qu’un immense réfectoire. Ils mangeaient, ces intrus, chez les restaurateurs, chez les traiteurs, dans les cabarets, dans les tavernes, dans les échoppes, et jusque dans les rues.

Ils se gorgeaient de viandes, de poissons, de gibier, de truffes, de pâtisseries, et surtout de nos fruits.

Ils buvaient avec une avidité égale à leur appétit, et demandaient toujours les vins les plus chers, espérant y trouver des jouissances inouïes, qu’ils étaient ensuite tout étonnés de ne pas éprouver.

Les observateurs superficiels ne savaient que penser de cette mangerie sans faim et sans terme : mais les vrais Français riaient et se frottaient les mains en di-