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dans la plupart des entreprises qui avaient pour but de soulager la misère, quelquefois plus poignante dans la capitale que partout ailleurs[1].

Ayant à conférer à ce sujet avec M. le curé de…, elle se rendit chez lui vers les cinq heures de l’après-midi, et fut fort étonnée de le trouver déjà à table.

La chère habitante de la rue du Mont-Blanc croyait que tout le monde, à Paris, dînait à six heures, et ne savait pas que les ecclésiastiques commencent, en général, de bonne heure, parce qu’il en est beaucoup qui font le soir une légère collation.

Madame R*** voulait se retirer ; mais le curé la retint, soit parce que l’affaire dont ils avaient à causer n’était pas de nature à l’empêcher de dîner, soit parce qu’une jolie femme n’est jamais un trouble-fête pour qui que ce soit, ou bien enfin parce qu’il vint à s’apercevoir qu’il ne lui manquait qu’un interlocuteur pour faire de son salon un vrai Élysée gastronomique.

Effectivement, le couvert était mis avec une propreté remarquable ; un vin vieux étincelait dans un flacon de cristal ; la porcelaine blanche était de premier choix ; les plats tenus chauds par l’eau bouillante ; et une bonne à la fois canonique et bien mise était là prête à recevoir les ordres.

Le repas était limitrophe entre la frugalité et la recherche. Un potage au coulis d’écrevisses venait d’être enlevé, et on voyait sur la table une truite saumonée, une omelette et une salade.

« Mon dîner vous apprend ce que vous ne savez peut-être

  1. Ceux-là surtout sont à plaindre, dont les besoins sont ignorés ; car il faut rendre justice aux Parisiens, et dire qu’ils sont charitables et aumôniers. Je faisais, en l’an X, une petite pension hebdomadaire à une vieille religieuse qui gisait à un sixième étage, paralysée de la moitié du corps. Cette brave fille recevait assez de la bienfaisance des voisins pour vivre à peu près confortablement et pour nourrir une sœur converse qui s’était attachée à son sort.