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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/165

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SABBAT

de petits scorpions, elle tirait un fin poignard, cependant que son Jésus couronné de feu souriait à la crypte idolâtre comme il a souri à la pauvre croix quand il n’était plus un cher petit enfant noir, mais un rêveur aux boucles blondes…

« Oh ! Madone ! Madone ! Voilà vingt ans, trente ans, que je l’espère… Les tarots me disent, pourtant…

« — Qu’il reviendra ?

Et la Négresse divine riait, riait, tour odorante, chaude et nocturne, livrée aux gemmes rampantes.

« Mais caramba ! disait-elle, tu ne songes qu’à tu hermoso joven, qu’à José quand il était si droit, si fier, que la Castille et la grenade… si gracieux, si brûlant que l’éventail et l’Andalousie…

« — …Corps de mon José plus frémissant que le taureau à la première banderille… » — Et l’Espagnole se tournait vers une statuette qui représentait son amant, dans sa jeunesse, la guitare aux doigts.

« Ah ! ah ! ah ! faisait la Madone, mais, à présent, il n’est plus qu’un vieux Moine mendiant, ici ; figurant, là, l’épouvante en accompagnant la mort…

« — Et dire que le Diable a les vingt ans de mon José ! Toutes les nuits, toutes les nuits, Madone, Señor mio, je le revois comme lorsque, sous le figuier, près d’un puits de Murcie, il avait l’Espagne à la bouche, c’est à dire la flor de las celosos amores.