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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/18

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SABBAT

noir ne veillait plus la nouvelle née, mais celle-ci — à trois jours ! — fut suspecte à ses gardes, et l’une chuchota à l’autre : « Pas étonnant que le Diable se soit emparé de cette innocente. Figurez-vous que, dans le château de famille, on a eu l’imprudence, pendant que Madame était enceinte, de fouiller les caves où le grand-père défunt qui passait pour un maudit, cacha, raconte-t-on, des monceaux d’or. Et quelles caves ! Un enfer de ténèbres. Bien sûr que, depuis le temps, le Démon s’était empressé de mettre la main sur le trésor. Quand on essaya de le lui arracher, qu’a-t-il fait pour se venger ? Il s’est tourné vers la petite. C’est tout simple. Et le baptême n’y pourra rien, vous savez. L’enfant est pour toujours en possession du Diable. Quant à moi, je ne reste pas plus longtemps auprès de ce monstre : avez-vous jamais rien vu de si beau ?… »

Le matin du quarantième jour, cessant, tout à coup, de gueuler, j’éclatai d’un grand rire, car je ressemblais à un bouton de rose qui tire son petit poignard parfumé, et je grandis dans la colère, les gazouillements, la malice et la force.

Dès que j’eus deux dents — et je fus précoce ! — je les essayai sur le sein de ma mère tout en l’interrogeant de mon regard sournois et brillant. « Eh bien ?… » me disait-elle, fâchée et stupéfaite que j’entreprisse, avec deux dents, une morsure. Alors, contente, sans doute, de lui avoir révélé mon in-