Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
SABBAT

puissante ! Moi, je crois que ceux qui n’ont pas cessé d’aspirer à l’éternelle lumière la verront.

— Je salue ta foi profonde.

— Qui peut avoir raison contre l’absolu miraculeux de l’espérance et du désir ? Ainsi que Caïn naquit criminel, Pascal géomètre, Mozart musicien et ma mère sainte, je naquis « supra-terrestre ». Je regrette de ne pouvoir exprimer la splendeur de cette prédestination qu’en un langage imparfait, mais tu n’as, sans doute, pas oublié qu’à quatre ans, je donnais l’immortalité à ma poupée. Ça ne m’avait pas empêchée, d’ailleurs, de la tuer impitoyablement d’un coup de « peignoir » en pleine poitrine.

— Ah ! poète !

— Oui, déjà, Dieu et le Diable, sans avoir jamais entendu parler d’eux… Le rêve et la frénésie : toute mon existence !

Il est des jours où je m’imagine que c’est le Diable qui défend à Dieu de m’approcher de plus près, et cela, par jalousie, par sollicitude, et qu’il lui dit, une fois : « Non ! tu ne te révéleras pas davantage à l’âme de cette rêveuse. Elle est à moi… » Et, une autre fois : « Tu l’épouvanterais, vois-tu, avec la métaphysique inconcevable. Cette pauvre petite âme ne peut pas, encore, se nourrir de tes infinis. Mais, moi, j’ai l’art de les lui faire absorber, peu à peu, et sous une forme charmante. Je parle en poète à ce poète… Je ne lui assène pas, soudain, à cette créature, un