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SABBAT

— Pour te remercier de m’avoir remise en présence de la divine Hortense, de la démoniaque Marguerite à la peau de velours blanc et des autres, je vais te confier l’amour qui est le mien.

— Dame de qualité, je t’écoute.

— …Je chéris donc un être non en lui-même, mais au-delà de lui-même, dans son rayonnement le plus lumineux, mais le plus subtil. Je n’ai pas besoin de le voir pour être heureuse, au contraire ! Pour ne pas le quitter, je ne vais pas à sa rencontre, pour ne pas interrompre le festin où il est ma blanche nourriture de froment et ma coupe toujours pleine, je ne me mets pas à la fenêtre pour le regarder passer. Plus il est loin de moi, plus il m’est complet, substantiel et sacré.

Près de lui, je suis comme froide et toujours infiniment au-dessous de moi.

— Amour-passion. Stendhal disait…

— Oh ! pas de citation, je t’en prie. Stendhal, cet obsédé de l’amour, n’entendit rien à l’amour. Il en fit une histoire de boudoir et de ciel italien. Mon amour a d’autres patries : le silence…

— Et l’enfer.

— Tu commences à comprendre. Mais je te répète que je n’ai aucune soumission, aucune douceur, aucune lâcheté, aucune tristesse, aucune nostalgie dans ce sentiment absolu. Non ! Je ne tends pas au bien-aimé mon cou pour qu’il l’entoure d’une corde que je voudrais voir, ensuite, nouée à son poi-