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SABBAT

forêt lorsque la biche tombe et pleure de quitter la feuillée où les faons dansent pour la lune d’or sombre des fins d’été. Tout le monde n’entend pas, lorsque le plein silence nocturne se fait, le cri des grandes heures véhémentes qui tiennent la cognée, le marteau ou le glaive. Tout le monde ne pense pas aux retours lâches et méchants de la vie, à la vengeance aux dents serrées de cette gueuse occupée, sans fin, aux mauvaises besognes…

Ah ! tout le monde n’a pas, devant les yeux, le visage de l’Amour ingrat qui est plus amer à regarder qu’un champ d’ossements sous la lune.

Et la pauvre petite sorcière qui s’appuie à un arbre mort désire perdre, elle aussi, toute sa sève par une large blessure noire…

Et voici que la ronce frémit et que celle qui veille se recueille dans les âges et le vent…

Tout le monde ne sait pas que le lièvre ne cesse point de murmurer : « Je maudis mes oreilles qui écoutent tous les bruits, et l’ombre de mon ombre qui fait peur à l’âme de mon âme. Où donc est le Paradis des lièvres ? Quand pourront-ils jouer en paix, ces innocents, et faire du sainfoin grand carnage et grande liesse sur la tombe du dernier chasseur ? »

La pauvre petite sorcière sourit douloureusement. Toute la détresse du monde gémit contre son cœur plus sensible et plus éperdu que la feuille au souffle du soir.