Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
SABBAT

Nuits précieuses où je fais d’une ombre une réalité telle que la lame est moins présente au manche, dans le couteau, et la soie moins présente à la hampe, dans l’oriflamme, que mon âme à l’âme chérie…

Où sont-elles ces nuits parfaites ? De quel cœur nourri de force et de résines embaumées, je te parle, ô toi que j’aime ! Mon âme s’effeuille sur la tienne comme un dôme de roses sur le bain qui, à l’ombre, attend la blanche nudité.

Alors, je retourne à ma destinée première, au cantique violent et joyeux dans l’azur, à l’armure jalouse dressée devant l’amour et — qui sait ? — peut-être, en raison de sa ferveur, hostile, car tout ce qui aime, s’arme…

Ma puissance possède, alors, toutes les splendeurs viriles de l’Archange. Elle en a la souveraine dureté sous le casque pur.

Mais ce soir, hélas, ce soir !

Comme ma misère, serpent perdu dans la nuit et déchiré par la broussaille, rampe, en vain, vers la misère ! Je ne sais plus te dominer et te conduire, te séduire et t’égarer divinement, moi qui attends, comme toi, la consolation et l’étoile.

Où sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Dans le plus morne Sahara, deux pèlerins dont les manteaux se reconnaissent, à peine, font un