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SABBAT

Ma grand’mère salua de tout son mantelet cossu, d’un noir extravagant, ne fit aucune excuse à la sorcière de dix ans qu’on arrachait à la nature, lui recommanda l’ordre, l’assiduité, le travail manuel, particulièrement le raccommodage des bas, et, enfin, si possible, la culture du latin.

La petite porte se referma sur la petite grand’mère, et la grande Madame sainte Angélique à l’œil d’aigle impérial et vieillissant, précipita la sœur de la mandragore dans la salle de catéchisme.

« Dites-vous bien, mes enfants, gémissait un homme noir et long, que ces supplices-là dureront toujours, toujours, toujours. L’enfer, ce lieu de peines inimaginables où vous plonge un seul péché mortel… »

La sœur des couleuvres ouvrait tout grands ses yeux dorés. Elle sentait le foin et le soleil, et, donnant un coup de coude à sa voisine, chétive petite pomme d’espalier bourgeois, elle dit trop haut : « Quand est-ce qu’on joue aux billes ? »

Une nonne à la face de vieux singe méfiant et scrupuleux, s’approcha : « La Nouvelle, apprenez qu’on ne parle pas au catéchisme. Monsieur l’aumônier vous donnera une mauvaise note. »

En effet, il cria : « Une goutte de sang dans le cerveau (?) — crac ! et c’est fait. Dans quel état, ô mes enfants, paraîtrez-vous, si la mort vous surprend, d’un moment à l’autre, devant le terrible Juge ? Que poserez-vous