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SABBAT

Que font mes cilices à ceux qui entendent mon secret rire inépuisable, les défis que je me lance et mes paris inconscients contre ma paix et mon salut éternel, mes vêtements modestes à ceux qui voient, dans mon ombre, danser ma poésie, jaune comme un genêt chargé de la fortune du soleil, mes privations à ceux qui se disent que le bonheur des prédestinés, quels qu’ils soient, et des vocations désespérées me soûle de son absolu et me tient droite, au milieu de tous, comme les rayons annonciateurs ?

Que fait ma vie limitée à ceux qui ont appris que je suis sans limites, et que, seul, mon dédain du médiocre et de l’à peu près m’a éloignée de l’alliance de mes semblables alors que j’ai souhaité celle de la louve romaine et du bœuf divinisé ?

Qu’importent mes habitudes austères à ceux qui entrevoient l’apparat, l’orgueil, la mise en scène, les reines de Saba et les Balthazar de mes songes, qui écoutent l’hallali de mes désirs dans mes forêts cachées ? Et, plus que tous, ne sais-je pas que je peux, aussi bien, me servir du fouet pour faire danser et piaffer mes passions, dans les jeux étincelants des cirques, et que nos grandes sagesses sont toujours en raison de nos perversités profondes ?

Sang qui vous jette sur le sang… Besoin éperdu de tarir une poitrine, dans le silence… d’obtenir la pâleur suprême sur la face de ses condamnés… Ah ! crimes avortés qui portâtes