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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/85

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SABBAT

nuits de lune, la forme parfaite qui sera la nôtre, un jour…

J’ai entendu, une fois, des flûtes invisibles cerner si amoureusement mon âme, que j’ai su quelle musique il me reste à entendre…

Une autre fois, des anges qui auraient, sous l’apparence de papillons pleins de rire, butiné la multitude fleurie des démons, sont entrés chez moi et m’ont dit : « À bientôt !… »

Tous les rêveurs qui ont quitté ce monde ne cessent pas de m’entretenir : leurs paroles ont, pour moi, la signification de constellations dorées sur un ciel de géométrie divine.

Il m’arrive, dans ma solitude, de voir des larmes sur ma main… Et, tremble, Bémolus : ce n’est pas moi qui les ai pleurées… Et ces rossignols dont le silence est l’harmonie suprême !… Ne les entends-tu jamais ?… Et ces livres qu’il ne nous est donné de lire qu’un soir, mais qui nous font, pour toujours, riches, à la fois, de certitude et de ce tourment qui est le premier appel de l’au-delà !

N’as-tu jamais éprouvé que tu complétais Dieu par un de tes sourires ? N’as-tu jamais dit inconsciemment : « Je pars !… » Quand ces mots mystérieux sortent de ma bouche, je suis, ô poète, pleine d’ailes terribles… Et je n’attends que le vent : c’est la mort.

Un matin, un char voilé de ramée et que nul conducteur n’accompagnait, s’est arrêté devant moi, et j’ai compris combien le voyage que j’ai à faire est doux…