Page:Pichot - Monsieur de l'Etincelle, ou Arles et Paris, t. II, Gosselin, 1837.djvu/435

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pauvre sœur ! Combien de fois j’étais forcée de sortir de sa chambre parce que mon cœur se brisait rien qu’à regarder le visage de l’infortunée, toujours belle, mais ayant perdu ce sourire à la fois doux et fin qui en était l’expression naturelle ! Quand elle essayait de le retrouver, ce n’était plus qu’un effort convulsif qui plissait ses lèvres, et appelait dans ses yeux une larme amère au lieu de cette espèce de rosée céleste qui jadis en adoucissait l’éclat. Je ne suis plus qu’une ombre, disait-elle en se mirant dans la glace.

» Enfin, ces huit derniers jours, un faux espoir était venu me bercer : elle avait repris quelque chose de son enjouement, en se transportant par l’imagination aux jours de notre jeunesse : elle me rappelait nos jeux et nos promenades ; elle parlait de ses fantaisies d’enfant et de jeune fille, de cette innocente envie de plaire et de cette indolence qui tour à tour la faisaient paraître coquette et indifférente aux hommages. Puis, elle comparait à son caractère celui d’Isabelle, en ajoutant que tu t’étais prononcé, mon cher Paul, pour le plus sérieux des deux. J’espère, me disait-elle, que rien ne manquera au bonheur de nos enfants ! Et puis, elle traçait des tableaux de ce bonheur sans y mêler la réflexion qui, auparavant, interrompait tous nos projets d’avenir, la réflexion de sa mort certaine ! Hélas ! c’est qu’elle était plus convaincue que jamais que cette mort était proche, et avant-hier elle m’a avoué que cette conviction secrète lui avait seule donné la force de s’associer ainsi à ma pensée favorite, lorsqu’il n’y avait plus pour elle d’autre espérance que celle d’aller dans le ciel devancer Maurice, et y retenir sa place à côté de la sienne pour l’éternité. C’était là son idée fixe : toutes ses prières, toute sa piété, tendaient à obtenir de