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Page:Piedagnel - Jules Janin, 1877.djvu/62

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jules janin
suffisait de ne pas parler de lui, de ne pas lire ses œuvres et de ne pas assister à ses comédies. Le plus rude châtiment que puisse infliger un galant homme à ces violences sans portée, à coup sûr c’est de les ignorer. Malheureux ! que de peines tu te donnes pour outrager un homme qui ne se sent pas blessé ! Dans cette carrière illustre des belles-lettres, il faut redouter avant tout le silence, l’oubli, le néant et leur contre-partie : l’admiration absurde, le rappel inutile, le fracas sans portée et la louange sans écho. Vous avez un ennemi qui vous blesse, ignorez la blessure et ne parlez pas de celui qui l’a faite. Ne dites rien de cet homme, ni en bien ni en mal ; qu’il soit absent de vos discours, de vos écrits, de votre pensée ; et si, pendant de longues années, vous entourez cet homme, mort pour vous, de ce silence dédaigneux, vous trouverez en fin de compte que vous êtes trop vengé[1] !

Ses théories politiques, il vous les exposera volontiers :

Il m’est impossible d’accorder mes sympathies à ces fièvres lentes, à ces fièvres cachées, à ce malaise universel qui n’est pas la paix, qui n’est pas la guerre, à ces ténèbres qui ne sont pas la nuit ni le jour. Je suis avant tout l’homme des époques sérieusement tranquilles, profondément apaisées, où l’on peut s’occuper à loisir de la belle prose accorte et sonore, des beaux vers écrits
  1. Histoire de la Littérature dramatique, tome I.