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Vingt ans ! — Jusqu’à la dernière heure,
Son cœur eut cet âge béni !
Sous l’humble toit de sa demeure
L’hirondelle avait fait son nid…
Mais pourquoi pleurer le poète,
Puisque son nom toujours vivra ?
Dès avril, à Rose, à Ninette,
L’écho des bois le redira.

Paris, 1861.




(Extrait d’une lettre adressée à l’auteur,
le 20 Février 1861.)

«… Ils sont heureusement nés, ces vers, et bien naturels ; ils sont dignes de celui que vous regrettez, — que nous regrettons tous, et quoique je ne l’eusse jamais connu personnellement ni rencontré, j’aimais à me le représenter comme vous le faites ; je me suis fait bien souvent chanter son joli chant de la Tonnelle. — Hélas ! de loin nous ne voyons que le riant de cette vie, et des amis qui l’ont partagée m’en ont dit souvent aussi les côtés tristes et amers. Mais le souvenir arrange tout cela : on regrette Musette quand on ne l’a plus.

L’amour — éternel — effacé,


est un charmant vers.

SAINTE-BEUVE »




SEULE !



Quatre-vingts ans bientôt. — Grande, sèche, ridée ;
Le nez mince, allongé : le menton très saillant :
Sa figure ascétique, à l’œil cave et brillant,
D’un ivoire jauni donne la juste idée.

Elle a beaucoup souffert, sans se plaindre jamais
D’avoir subi jadis une terrible épreuve ;
Et, depuis quarante ans, silencieuse veuve,
Ses fidèles amis sont d’anciens portraits.

Le tricot bien roulé, posé sur une chaise,
Sera vite repris : dans l’antique maison,
Un travail assidu succède à l’oraison. —
Au fond du noir foyer rougit un peu de braise.

Ce corps d’octogénaire est comme desséché,
Mais il contient une âme innocente et sublime,
Du vulgaire ignorée, et que toujours anime
L’amour des malheureux et l’horreur du péché.

Quand Dieu va l’appeler, cette obscure martyre,
Depuis si longtemps prête à partir pour le Ciel,
Le suprême moment n’aura rien de cruel :
La Mort, au lieu d’effroi, verra naître un sourire.