Page:Pierquin - Le Poème anglo-saxon de Beowulf.djvu/62

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entrent en conflit, trois solutions interviennent : ou les deux communautés doivent réaliser entre elles une fédération: ou l’une doit attaquer et soumettre l’autre; ou toutes deux doivent s’unir sur des bases égales et fraternelles. Ce dernier moyen est le plus probable, si les dieux d’une tribu sont communs à l’autre. Mais en tout état de cause, la forêt cessera d’être la Marche, parce qu’elle sera, dorénavant, le centre, et non la limite de la nouvelle communauté. Elle sera convertie en communs pâturages dont chacun jouira, sous des conditions déterminées ; elle deviendra le folcland, ou terre publique, et pourra même être divisée, avec le temps, en propriétés privées, sur les principes établis du droit public. Ainsi, cette évolution se répétera, jusqu’à ce que la famille devienne une tribu ; la tribu, un royaume : alors les champs lourds de moissons n’auront plus leurs anciennes limites, et les seules Marches subsistantes seront la montagne prochaine et aride, terme naturel de la culture ; les marais, les fleuves au cours torrentueux, et le grand océan.

Le christianisme qui détruit la croyance aux dieux de la forêt, protecteurs de la Marche, fait que celle-ci est désormais placée sous les garanties du droit public de l’Etat. Les anciens districts se fondent dans les divisions territoriales des diocèses, et tant que le principe d’indivision de la Marche est sauvegardé, elle demeure affectée à tous services d’utilité publique, depuis les coupes jusqu’au droit de vaine pâture. Et dans les cas de larges zones séparant de véritables royaumes, ce sont des citadelles et des remparts qui s’élèvent à la place des forêts.

La sainteté de la Marche devait être consacrée par des cérémonies rituelles[1]. Il semble que Wóden ait été le dieu

  1. « Silvam auguriis patrum et prisca formidine sacram », Tacit., Germ., 39. Cf. Möser, Osnabrückische Geschichte, I, 57.