Page:Pierquin - Le Poème anglo-saxon de Beowulf.djvu/76

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à leur origine, se fondent sur le principe de la propriété commune du sol. Et ce n’est point la cité, dans l’acception antique du mot, qui règle leur genre de vie, et leurs institutions sociales, mais la nature même du pays qu’ils occupent. Tacite n’écrit-il pas, qu’il est bien connu qu’aucune des populations germaines n’habite dans les cités ; qu’elles ne peuvent élever de maisons se touchant ; qu’elles vivent séparées, et que chacun s’établit près de la forêt dont l’ombre l’attire, ou de la fontaine dont il cherche la fraîcheur[1] ? Ainsi la communauté germaine est attachée au sol, adstricta glebæ. Ses membres se partagent la terre arable, les forêts, les marais, les eaux, les pâturages. Leur bien réel est la possession indivise du territoire, et l’intérêt que chacun trouve dans ce mode de propriété.

Le sol du district occupé par un corps de nouveaux colons, était divisé entre eux dans des proportions variables[2]. Il demeure néanmoins certain que tout le territoire n’était pas distribué : on procédait au lotissement des parties de terre arable, nécessaires à la culture et à l’entretien de chaque colon, et le surplus demeurait à l’état de propriété indivise. Ainsi s’étendaient, comme il a été dit, ces espaces considé-

  1. Tacit., Mor. Germ., ch. XVI.
  2. Les rappels de ce mode de distribution sont nombreux : Hengest, après avoir occupé le territoire des Frisons, le distribue, dans Beowulf, à ses compagnons (Beow., v. 2.187, 2.251). La loi burgonde qualifie ainsi la terre héréditaire : « Terra sortis titulo acquisita » (Lex. Burg., tit. I, ch I, II), Eichorn., I, 360, 400. Godred ayant soumis les Manxmen, répartit leur territoire entre ses soldats : « Godredus sequenti die obtionem exercitui suo dedit, ut si mallent Manniam inter se dividere, et in ea habitare ; vel cunctam substantiam terræ accipere, et ad propria remeare », Chron. Manniae (Cott Ms. Jul. A. VII, fol. 32). Quand on transporta à Durham les reliques de Saint Cudberht, on abattit la forêt qui couvrait le lieu saint, et le terrain en fut divisé par lots : « eradicata itaque silva, et unicuique mansionibus sorte distribuas », Siméon, Hist. Dunelm Eccl., § 37.