Page:Pierre-Jean De Smet - voyages aux Montagnes Rocheuses.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
VOYAGES

de l’enfer. Ces messieurs ont habituellement les mots de diable et d’enfer à la bouche, et je suis porté à croire qu’il ne faut pas chercher ailleurs la raison de ces sortes d’appellations qu’on rencontre si souvent dans le pays. Ainsi j’ai examiné le Passage-du-diable, j’ai vogué sur la Course-de-satan, je me suis trouvé entre les dents du Râteau de l’abîme infernal. Le Râteau et la Course, sur le Missouri, méritent réellement un nom qui exprime l’horreur ; car l’un et l’autre sont des écueils très-dangereux. Le lit du premier est une forêt entière d’arbres et de chicots engloutis, qui ont leurs racines dans la vase, et contre lesquels les flots, poussés par un courant impétueux, viennent se briser avec un fracas épouvantable ; le second, outre les mêmes difficultés, a de plus une pente si rapide, que le plus habile pilote ne l’aborde qu’en tremblant. Deux fois le brave Iroquois qui conduisait mon canot, lors de mon passage par cet endroit dangereux, s’écria : « Père, nous sommes perdus. » Et moi je lui dis : « Courage, Jean, confiance en Dieu ; » et nous en sortîmes, sinon sans peur, du moins sans accident.

Le soir du second jour, nous dressâmes notre loge sur le bord d’un petit ruisseau, au pied de la montagne que nous avions à traverser le lendemain. Trois familles de la tribu des Stietshoi ou Cœurs-d’alêne s’y joignirent à nous, pour faire ensemble une partie du voyage. J’eus le loisir de les entretenir longtemps sur des matières reli-