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UNE ANNEE DE SÉJOUR

depuis ce moment c’est à lui seul que nous avons adressé nos vœux et nos prières. Cependant nous faisons tous pitié. Nous ignorons la parole du Grand-Esprit, tout est encore ténèbres pour nous. Mais aujourd’hui, j’espère, nous verrons paraître la lumière. Parlez, Robe-noire, j’ai fini, et tout le monde a les oreilles ouvertes pour vous entendre. » Je leur parlai pendant deux heures sur le salut et sur la fin de l’homme, sans qu’un seul bougeât de sa place. Le soleil étant près de se coucher, je terminai l’instruction par la prière que j’avais eu soin de traduire dans leur langue quelques jours auparavant. Ils me présentèrent quelques rafraîchissements, c’est-à-dire des miettes de viande sèche, un morceau de mousse cuit, au goût de savon et noir comme du goudron, et un vase d’eau pure de la rivière ; aliments qui me parurent délicieux par la raison toute simple que je n’avais pris aucune nourriture depuis le lever du soleil. Les chefs m’ayant témoigné le désir de m’entendre encore, je continuai leur instruction et celle des hommes jusque bien avant dans la nuit. À chaque demi-heure à peu près, je faisais, comme de coutume, une petite pause, pour laisser circuler les calumets et donner loisir aux réflexions : c’est durant ces intervalles que les chefs s’entretiennent sur ce qu’ils viennent d’entendre ou l’inculquent à leurs subordonnés.

Le matin, en m’éveillant, je fus surpris de voir ma loge remplie de monde : ils s’y étaient glissés