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CHEZ LES TRIBUS INDIENNES

bras sont navigables dans certaines saisons de l’année, quoiqu’il y ait toujours péril imminent même pour le pilote le plus expérimenté ; mais en été, à l’époque de la fonte des neiges, le fleuve franchissant ses limites ordinaires, la plupart des canaux se confondent dans un lit commun, et la masse des eaux réunies, descendant avec fureur dans le gouffre où il rugit, force les plus courageux de s’arrêter devant le danger. Alors toute navigation cesse. Dans cet état, le torrent prend un élan majestueux qu’il m’est impossible de décrire : on le voit, comme pressentant les obstacles qu’il va rencontrer, glisser avec un plus rapide essor sur la pente de l’abîme, se tordre dans les sinuosités du roc, bondir contre les îlots qui lui disputent vainement le passage ; tandis que de temps à autre, comme par une impulsion venue des profondeurs de ce chaos, les vagues étouffées refluent en tourbillons contre les flots qui les suivent ; mais ceux-ci, impatients de leur lenteur, les pressent en grondant, et précipitent leur course victorieuse à travers ce dédale d’écueils.

Figurez-vous, au milieu de cette scène tumultueuse, le pêcheur indien debout sur chaque pointe saillante de rocher, disposant ses filets ingénieusement travaillés, avec lesquels il se procure en peu d’instants une grande quantité de beaux saumons. Près de lui des veaux marins, attirés par la multitude innombrable des poissons qui remontent le fleuve, nagent comme en triomphe au