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TRADITIONS, MOEURS ET COUTUMES

mon avis, la mer, malgré ses tempêtes et le tribut qu’elle nous force à lui payer, est bien préférable. Le courant de ce fleuve est des plus rapides, il faut donc une forte pression pour le surmonter, de là le danger continuel où le voyageur se trouve exposé d’être renversé, et même, comme il n’arrive que trop souvent, d’avoir tous ses membres fracassés et lancés çà et là par une explosion de chaudière. Ajoutez les bancs de sable dont le fleuve est rempli, sur lesquels on peut être jeté à toute heure, et les innombrables chicots contre lesquels le vaisseau va souvent se briser ; tout cela nous a mis plusieurs fois à deux doigts de notre perte. Les chicots (en anglais snags) sont des arbres immenses qui, d’abord entraînés par le courant, se sont ensuite fixés par les racines dans la vase au fond du fleuve, et dont les branches s’étendent de tous côtés au-dessous, au-dessus et au niveau de l’eau.

Je me suis arrêté trois jours à notre résidence des Kickapous pour y attendre le P. Verreydt et le F. Mazelli, avec lesquels je devais continuer le voyage. Le grand chef Pashihi paraît nous être très-attaché ; il nous a témoigné beaucoup d’affection. C’est un homme rempli d’esprit et de bon sens, qui n’a besoin que d’un peu de courage pour devenir un excellent chrétien ; il nous a raconté plusieurs fois que dans un songe il a vu les Mache-ta-co-ni-a (Robes-noires) dans le ciel, reprochant à sa nation ses infidélités et ses vices, et lui