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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

cette boucherie ; et chacun se mit en mouvement dans le camp pour faire la cuisine. Manquant de bois sur les bords de la Plate, nos gens se servirent de la fiente sèche de buffle ; elle brûle comme la tourbe. Il nous fallut recourir souvent au même expédient dans les prairies des Côtes-Noires.

Au milieu de la nuit, des bruits affreux, des hurlements, des aboiements m’éveillèrent ; on aurait dit que les quatre tribus Pawnees s’étaient rassemblées pour nous disputer le passage sur leur territoire. Je réveillai mon guide pour savoir la cause de ce bruit et pour le disposer à recevoir l’attaque de l’ennemi. Il me répondit en riant : « Tranquillisez-vous, ce n’est rien. Les loups sont à faire festin après leur long carême d’hiver : ils se partagent les carcasses des vaches que les chasseurs ont laissées dans la prairie. » Les loups sont très-nombreux dans ces régions. D’après le dire des sauvages, ils tuent tous les ans le tiers des veaux des buffles ; souvent même, lorsqu’ils sont en fortes bandes, ils attaquent les gros bœufs ou les vaches, se portent tous ensemble contre un seul buffle, et en un instant le jettent par terre avec une grande dextérité et le dévorent. J’ajouterai ici, pour vous donner une idée du grand nombre de ces animaux le long du Missouri, que cette année, 1840, la compagnie des pelleteries a expédié soixante mille peaux de buffles à Saint-Louis. On évalue en outre à cent mille le nombre des buffles que les sauvages du Missouri tuent tous les ans pour