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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/111

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grand seigneur qu’il soit, de faire changer l’orthographe accoustumee, & inventer des mots qui ne sont en usage si tout le peuple ne s’y accorde. Suëtone tressusfisant & ancien autheur, ha osé blasmer l’Empereur Auguste, de ce qu’il se mettoit en effort d’escrire en Latin ainsi comme lon prononçoit de son temps. Et Auguste mesme quand il l’eust entreprins, n’eust sceu faire qu’on l’eust ensuyvi : de laquelle chose Suëtone en rend ainsi la raison : pource, dit il, que c’est erreur commune en la prononciation, de muër, ou laisser quelques lettres, ou syllabes sans les proferer. Il est donc difficile que ceux de nostre temps, qui controuvent nouveaux mots, puissent faire qu’on les reçoive, ne aussi que leur orthographe nouvelle en nostre langue soit ensuyvie de ceux qui viendront apres nous : sçachants qu’il fault que la plus part du peuple s’y accorde, d’autant qu’il est requis que les paisants des villages, bourgeois, & artisans des villes, & hommes qui nentendent Arabe, Latin, Grec, ne Hebrieu, puissent aussi bien comprendre les significations des dictions Françoyses, comme les gents de plus grand sçavoir. Donc pour monstrer que ce n’est sans utilité, qu’on fait dissection, & observation des parties interiëures des oyseaux, & de touts animaux, Aristote en sert de tesmoin, & Theophraste, Galien, & Dioscoride des plantes. Comme eussent-ils sceu que les uns estoyent sans rate, & quelques autres n’avoyent point de fiel, & les uns sans jabot, que les Latins nomment Ingluviem, & les autres n’avoyent, ou avoyent l’estomach calleux, c’est à dire dur ou mol ? Et que des plantes les unes sont sans moëlle, les autres sans fruict, & telles autres enseignes, s’ils ne les eussent veu toutes par le menu tant dedens que dehors ? Des bestes ruminantes, les unes ont deux estomachs, aussi ont les oyseaux : les causes de telles choses ne sont-elles pas de grande contemplation à un Philosophe ? Quelques oyseaux ont deux intestins que les Françoys nomment les Sacs, & en Latin Caeci, ou Coli : les autres n’en ont qu’un. Parquoy personne ne trouuve estrange qu’on luy ait escrit l’anatomie des oyseaux. Les Faulconniers, pourquoy portent ils de la Myrrhe, de la Mumie, Rhubarbe & autres telles drogues en leurs bougettes, sinon pour medeciner les oyseaux malades ? Donc ne fault il pas qu’ils sçachent les dispositions d’iceux, pour avoir cognoissance de leurs maladies ? car puisqu’ils ont toutes leurs parties interieures bien accomplies pour leurs actions, il advient qu’elles peuvent estre mal affectees, & engendrer maladie à tout animal. Les membres ont esté faicts pour l’unité de tout le corps, ayants esté deputez pour quelque action. Et comme les Faulconniers sont tenus pour medecins des oyseaux de proye, aussi les mareschaux sont pour les chevaux : mais c’est pource qu’ils les ont en charge. Il n’est donc hors de propos, traicter ce discours sur la santé, & maladie des oyseaux. Nous trouvons divers autheurs tant anciens que modernes, Grecs & Latins, qui ont escrit remedes sur les maladies des oyseaux : mais seulement de ceux dont recevoyent plaisir ou profit. Nous trouvons que les Romains lors qu’ils estoient dominateurs sur les natïons estrangeres, faisoyent grande despense en leurs festins publics : parquoy chascun s’estudioit de faire valoir sa terre, ou d’avoir revenu des oyseaux qu’ils nourrissoyent en volieres & cages : aux maladies desquels remedioyent selon l’oportunité, car ha ceux qui sont en liberté aux champs, nature leur apprent ce que leur fault. De ce temps cy, n’avons guere esgard qu’aux maladies des oyseaux de rapine, sçachants qu’on les achete cherement, & estants nourris mal à propos, en demeurent souvent malades :