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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/166

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faiste ? Parquoy les Milans se trouvants lá hault en celle fraischeur, demeurent tout le jour evitants la chaleur du midy, dont ne descendent jusques au vespre. Aristote ha escrit au sixiesme chapitre du sixiesme livre de la nature des animaux, que le Milan Royal ne fait le plus souvent que deux petits, ou bien ne passe point le troisiesme : mais que l’Etolien, c’est à dire le Milan noir, en fait quasi tousjours quatre. Les paisants l’ont nommé autrement : car de son cry l’on dit Huo : les autres prononcent Huau : d’autres le nomment aussi un Escoufle. Il fait moult grand dommage sur les Poulsins par les villages. Si est-ce qu’en quelque païs il delivre de charonne. Il est deffendu sur peine de grosse amende, de luy faire aucune violence. Cela font ils en Angleterre, comme encor dirons des Corbeaux. Les Turcs qui vivent à Constantinoble prennent souvent plaisir à leur jecter des morceaux de poumon de beuf, ou autre chair bien hault en l’aer : Car les Milans descendent de roideur, & empongnent la chair avec leurs griffes avant qu’elle soit retumbee en terre.

Du Milan noir.
CHAP. XXVII.


ILl n’y ha chose qui puisse mieux monstrer que le Milan noir est autre que le Royal, que de le voir de diverses meurs, & estre de nature differente : car ou lon trouve escrit, Colore spectantur eruginoso, & nonnunquam atro : Cela fault entendre en diverses especes, comme aussi Aristote au sixiesme livre De natura animalium, chapitre sixiesme en ha nommement fait distinction particuliëre, ou il dit : Sed qui Aetolius nuncupatur, vel quaternos aliquando excludit : Voulant par ce donner à entendre que de son temps les Grecs en cognoissoyent de deux sortes. Nous avons cogneu par ces Milans noirs, que les oyseaux de rapine en default d’autre viande, peuvent aussi vivre de fruicts. Cela dy-je pour confirmer l’authorité d’Aristote qui l’avoit des-ja dit : Car estants en Egypte en autonne, auvons sceu qu’ils s’y retirent en hyver, & y sont si privez qu’ils n’ont gueres peur des gents. Aussi les avons veu manger les dattes sur les palmiers, & venir jusques sur les fenestres des maisons du Caire. Ils sont plus tardifs à s’en venir en France que les Royaux, comme aussi s’en retournent plustost que les autres. Nous estions sur la fin du mois d’Avril au rivage du Pont Euxin, du costé de Thrace, sur la plus haulte coline, joignant celle columne droicte, qui est sur la bouche du Bosphore, sur laquelle y avoit un oyseleur qui avoit tendu pour prendre les Esperviers, qui venoyent de devers le costé dextre de la mer, alors observasmes que les Milans venoyent à la fille en si grande compagnies qu’en avons prins grand merveille. Et ne pouvons imaginer ou si grand nombre trouvera lieu à se pourveoir de vivre : car s’il en eust passé durant quinze jours autant qu’il en passa ce jour la, auserions dire qu’ils seroyent en plus grand nombre que touts les hommes vivants sur la terre. Aussi est-ce grand cas de les voir passer aussi espaiz que Formis, & continuër beaucoup de jours. Ce Milan noir est aussi bien volé pour le Sacre, comme le Royal : & donne plus d’affaire aux oyseaux : car il est plus agile, & de moindre corpulence.