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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/190

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à un Cygne, & qu’il ait aussi fait distincte mention du Pelican, toutesfois il appert par ses paroles, qu’il veult entendre d’un mesme oyseau, qui peut bien nager sur l’eau. Aristote au dixiesme chapitre du neufiesme livre, escrivant de cest oyseau vouloit entendre que les Pelicans se nourrissent sur les rivieres, & aussi qu’ils volent aux plongeons de mer, quand ils les voyent sortir hors de l’eau, les prenants par la teste en les mordant, à fin que les Plongeons leur rendent leur proyë. Ce passage nous sert à prouver qu’il n’est aucun animal de double vie ayant poulmon & prenant sa pasture en l’eau, qui la puisse avaller leans : car si les Plongeons la pouvoyent avaller en l’eau, ils la mangeroyent avant sortir hors, sçachants que les Pelicans la leur osteront, s’ils ne fuyent : mais leur convenant la venir avaller en l’aer sont destroussez des Pelicans. Possible que les poissons Cetacees, tels que nous nommons l’Oyë de mer, c’est à dire le Daulphin, & Phocana, c’est à dire le Marsouin, Prister, c’est à dire le Chauderon, Orcha, c’est à dire L’ondre & la Balene, & autres de double vie, comme est le Veau de mer qu’on nomme aussi Loup de mer, la Loutre, le Bievre, le Rat d’eau, la Tortuë, & toutes sortes d’oyseaux qui se plongent en l’eau, ne aussi la Grenouille, & les Serpents ne peuvent avaller ce qu’ils prennent en l’eau, s’ils ne se viennent monstrer en l’aer, ou bien y ont prins leur proyë : car si les Plongeons, dont y en ha beaucoup de sortes, pouvoyent avaller leur viande lá bas, ils ne sortiroyent hors pour se mettre en danger d’estre pillez des Pelicans. Si Moyses autheur Hebrieu ha dit en l’unziesme chapitre du Levitique, que le Cygne & Onocrotalus estoyent oyseaux immondes, & deffendus aux Juifs de n’en manger, faut penser qu’il avoit eu cognoissance de touts les deux, & non sans cause : Car ils sont frequents par les lacs de toute Egypte & Judee. Et de fait, lors que passions par la plaine de Rama, qui n’est qu’à demië journee de Hierusalem, nous les voyons passer deux à deux comme Cygnes, volants assez bas par dessus noz testes : combien qu’on les voye aussi voler en grosse troupe comme les Cygnes. Ce qui ha souventesfois fait que Pline ha mis une mesme chose sous divers noms en divers chapitres est, qu’ils les ha prins de divers autheurs Grecs. Et par ainsi au chapitre de Platea, il escrit de mot à mot, tout ce qu’Aristote en avoit dit. Or est-ce que nature luy ha baillé un sac de cuïr sous la gorge tenant à son bec pour y mettre des grosses coquilles fermees, qu’il trouve en la mer : mais estants dedens ledit Sac, & sentants la chaleur, se separent & s’ouvrent. C’est ce qu’Aristote & Pline ont dit que quand le Pelican s’est remply de Conches, & se sont ouvertes à la chaleur, il les revomist, & eslisant le bon d’avec le mauvais, mange la chair du poysson laissant les escailles. Pline dit aussi au chapitre de Onocrotalus que c’est un oyseau si semblable au Cygne, qu’il n’est different sinon qu’il ha un second ventre dessous la gorge de moult grande capacité, dedens lequel il met tout ce qu’il ha trouvé, & peu à peu apres l’avoir cuit, le rapportant à la bouche, le renvoye dedens le vray ventre à la maniëre d’un animal ruminant, & que tels oyseaux se tronvent en la Gaulle septentrionale. Cela ou choses semblables disoit Pline, & toutesfois lon pense que Plutarque ha attribué ceste merque au Heron. Lon ha remerché qu’en certaine faison de l’annee il y en ha au lac de Mantouë, & d’Orbetelo pres des Maremmes de la ville de Sienne, ou les habitants le nomment Agrotti. Albert le grand eut bien cognoissance de cest oyseau, mais possible qu’il ignora son nom ancien : le voulant maintenir pour Ossifragus, qui