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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/203

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qu’est une moyenne Oye : mais sa grosseur ne luy provient que de sa plume, dont il est bien garny. C’est ce qui est cause de si grand monstre par le dehors : Car il n’ha pas charnure d’un petit Morillon. Sa couleur grise est cause que les uns l’appellent un Grisard. Sçachants donc qu’il est des especes de la Mouëtte, que les Grecs nomment Laros, & les Latins Gavia, & ne luy ayants trouuvé aucun nom ancien pour l’exprimer, nous ha semblé bon le descrire en cest ordre. Il ha les pieds d’une Cane, dont il se sert pour avirons, mais il ne se plonge aucunement. Il a la teste quasi aussi grosse comme celle d’un Aigle Royal, & le bec aussi gros comme celuy d’un Plongeon de mer, & moult grande ouverture en iceluy : Aussi avalle il de fort gros poissons touts entiërs : car il ha le gosier fort large. Il se paist de toute infection de mer, & des poissons dejectez au rivage. Sa queuë est ronde, qui n’est pas plus longue que ses aelles. C’est un oyseau qui vole moult longuement, suyvant ordinairement les Daulphins en la mer. Car il mange les poissons qui saultent en l’aer de frayeur pour eviter la fureur du Daulphin. Il fait la guerre au poisson nommé Exocetus. Quand ce poisson se met sur terre, il court si viste qu’on ne diroit pas qu’il fust oyseau de pied plat. Il fait un estrange cry, qu’on oit de bien loing, & quand il vole en l’aer, il se monstre autant ou plus estendu que ne fait une Aigle. Il est moult gourmant, & par consequent moult difficile à saouler, & est communement maigre. Sa peau est quasi aussi dure comme celle d’un chevreau. C’est un oyseau de saveur mal plaisante, dont la chair est dure à digerer : Et par ce ne le vend on aucunement au marché des villes. Si est-ce que si les habitants des rivages le prennent, ils ne laissent à le menger. Ce’st un oyseau cogneu d’un chacun qui habite