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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/283

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de creste, tellement qu’à les voir de prime face, & se souvenant de la Giraffe, on les trouve en retenir quelque chose : sçavoir est, la maniëre de tenir leur teste eslevee en courant, & la couleur des plumes madrees. Il y ha encor une particuliëre merque, qui convient à elles seules : C’est, que comme les Poulles d’Inde ont un toffet de poil en l’estomach, cestes cy l’ont dessus la teste disposé à contre poil, c’est à dire, qui est reviré en avant commençant depuis la premiëre vertebre ou os du col, & leur continuë par le derriere de la teste sur la peau du test. Elles ont cela de commun avec le Paon, qu’elles ont le commencement du col gresle. Les plumes du col, & principalement celles de dessous, reluisent comme le collier d’un Ramier. Leur cry est dissemblable à celuy des Poulles communes : car elles crient aigrement en voix haultaine, quasi comme les petits Poulsins nouvellement esclos. Elles prennent leurs perches comme font les Poulles privees. Leur chair est delicate, & leurs œufs bons à manger. Or maintenant voyons combien nostre vulgaire nous ha servy à recognoistre cest oyseau, le nommant Poulle de la Guinee. Et moyennant que nous considerions Afrique, trouverons convenir à son appellation. Car Numidie, & la Guinee sont en Afrique, l’un au rivage de l’Ocean, l’autre de la mer mediterranee. Les navigations des anciens Romains estoyent plus communes à traverser la mer mediterranee, que sortir hors du destroit de Gibaltar : & toutesfois ils le passoyent quelques fois, mais plus rarement. Aussi maintenant les Portugalois, & Normans, ou autres habitants es contrees de la mer Oceane, hantent plus l’autre oree d’Afrique, qui est la Guinee, que d’entrer au destroit de Gibaltar, en la mer mediterranee. Parquoy ce n’est merveille si telles Poulles Africaines sont des-ja plus communes en nostre France qu’en Italie, veu que les navires arrivent plus communement en noz villes venants de ces païs lá, que celles d’Italie. Telles Poulles sont moult fecondes, & soigneuses de bien nourrir leurs petits : qui est cause qu’elles se multiplient grandement, & feroyent encor plus, n’estoit qu’elles craignent moult le froid, comme venants d’une region fort chaulde.

Du Coc d’Inde.
CHAP. X.


CEUX qui pensent que les Cocs d’Inde n’ayent esté cogneuz des anciens se sont trompez. Car Varro, Columelle, & Pline monstrent evidemment qu’ils estoyent des leur temps aussi communs es mestairiës Romaines, qu’ils sont maintenant es nostres : lesquels ils nommoyent de nom Grec, Meleagrides, & de nom Latin Gibberas. Varro dit en ceste sorte. Gibberae quas Meleagrides Graeci appellant, etc. Ceste chose est conforme à ce que Pline en escrit au vingt-sixiesme chapitre du dixiesme livre de l’histoire naturelle. Meleagrides (dit il) hoc est, Gallinarum genus Gibberum variis sparsum plumis, etc. Parquoy il est facile à prouver que nostre Coc d’Inde est Gibbera Gallina, ou Meleagris. Car Columelle le tesmoigne, escrivant en ceste sorte : Africana est Meleagridi similis, nisi quod rutilam galeam & cristam capite gerit : quae utraque in Meleagride sunt caerulea : C’est à dire : la Poulle de la Guinee (car ainsi l’interpretons Aphricana Gallina) est