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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/296

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Les Pluviers s’appellants l’un l’autre au point du jour, s’entresifflent en faisant un tel son, que feroit un homme, qui en sublant diroit, huic. Et les paisans advertiz de cela, prennent garde sur jour s’ils en verront quelque volee : car le Pluvier est de telle nature qu’il se tient le jour en compagnee, mais la nuit il s’escarte de son troupeau. Et le lendemain matin est espars de costé & d’autre, quasi à un quart ou à demie lieuë, l’un de l’autre. Et pour se rallier, à fin qu’ils se rassemblent sur jour, ils s’entresifflent l’un l’autre. Il y en ha un en toute la troupe que les autres advouënt, & cognoissent comme pour maistre, & Roy de toute la bende. Cestuy lá ha la voix plus grosse que nul des autres, & laquelle ils sçavent bien entendre. Par cela touts se viennent rendre à luy de toutes parts. Les paisans le nomment l’Appelleur, lequel ils cognoissent à ce qu’il tient sa voix plus longue que les autres : car en sublant il dit Hu hieu huit. Les paisans des confins, qui sont alliez par bandes, ont fait l’assemblee des le soir, ou ils se sont fait entendre l’endroit ou chascun doit aller pour escouter le Pluvier, & ou ils se doyvent trouver au point du jour. Et ainsi s’en partans avant jour, s’en vont l’un ça, & l’autre lá par les terres ja ensemencees, attendants le point du jour. Les paisans oyants le siffleur roy des Pluviers, appellant sa compagnee, le peuvent ouïr d’une grande demië lieuë : lors les paisans s’en vont droit à luy, sçachants que toute la volee se viendra rendre lá. Le Pluvier ne chante si matin que la Perdris, l’Alouëtte, & Vanneau : mais quelque peu apres l’aube. Et depuis que le Pluvier appelleur aura entendu les voix des Pluviers de sa troupe, soudain touts s’en viennent rendre à luy. Et si d’aventure deux bendes se trouvoyent par la campagne, meslees ensemble toutesfois les Pluviers sçauront distinguer la voix de leur Roy, & se retirer vers luy. Le jour venu les paisans viennent à l’assemblee, & la se rapportent l’un à l’autre, tout ce qu’ils auront entendu, concluants ce qu’ils ont à faire. Alors toute l’assemblee se depart, marchants de front comme en bataille, tenants mesme chemin. Mais approchants des Pluviers, commencent à s’escarter à un traict d’arc l’un de l’autre, regardants attentivement à fin d’aviser la volee des Pluviers de plus loing, qui s’est alliee à son appelleur. Chasque paisan porte une marote quant & luy. Il y en ha un deux qui porte le harnois, ainsi appellent le ret à prendre les Pluviers, qui sont lá au descouvert en la plaine campagne. Et les paisans qui sçavent bien qu’ils ne sesfarouchent pour peu de chose, vont tendre le harnois assez pres des Pluviers : car pendant qu’un des paisans s’est empesché à cela, touts les autres vont les entourner par derriere, & de touts costez, se trainants sur le ventre pour aprocher des Pluviers le plus pres qu’ils peuvent. Et quand ils voyent que le harnois est tendu, & que le paisan est prest à le tirer. Lors touts les autres qui se trainent sur le ventre se levent de roideur, pour faire la huee, & jectans leurs marotes en l’aer, effarent les Pluviers, en les chassant devant eux. Et quand celuy qui tient le ret saillant les voit approcher de son fillet, il le tire, & les enclost lá dessous. Les marotes que les paisans jectent en l’aer, sont pour faire peur aux Pluviers, à fin de les faire tenir leur vol contre terre, & les faire donner dedens les rets : car les pluviers vont merveilleusement viste. Mais si la bande des Pluviers s’esleve en hault pour voler, ils n’en prendront aucun. Ceux qui ont estimé que le Pluvier ne vive que de vent, semblent s’estre trempez. Cela dient ils, par ce que communement, on ne luy trouve rien en l’estomach : mais lon sçait par experience qu’ils mangent, & aussi qu’on en ha surprins quelques uns, qui avoyent