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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/314

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En Rome (dit il) en laquelle ne s’estoit trouvé personne pour conduire les corps de beaucoup de Princes trespassez, ne pour venger la mort de Scipion Emilian, qui par sa vertu avoit aboly Carthage & Numante. Cela, ou chose semblable escrivit Pline d’un Corbeau nourry à Rome, par lequel il appert que des ce temps lá lon avoit coustume d’apprendre les oyseaux à parler. Un Corbeau ha grosse langue noire, & large par le bout, & bien arrondie à la racine : parquoy est facile qu’il puisse bien prononcer. Aristote disoit qu’il y ha quelque amitié entre le Renard, & le Corbeau : pour ce que le Corbeau aide au Renard contre l’oyseau de proye nommé Aesalo, qu’interpretons un Laniër, quand il entreprend d’oultrager le Renard, ou ses petits, Quand lon voit que les Corbeaux se debatent & font voix comme en hoquetant, & continuënt quelque temps, c’est presage de vent à venir : & s’ils reïterent souvent, comme en reprenant leurs voix, signifient pluye venteuse : car à cela dit on quils appellent ou l’un ou l’autre. Ses pennes servent à faire des touches pour frapper les cordes d’espinettes, & aux artillers pour empenner les traicts. Il y ha un autre oyseau qu’on nomme Corbeau de nuict, dont avons parlé au chapitre du Nicticorax : & un autre qu’on nomme Corbeau de mer, dont avons parlé au chapitre du Cormarant.

De la Corneille.
CHAP. II.


AVANT que parler de la Corneille, voulons faire entendre que chacun s’abuse sur la cognoissance d’icelle : car nous n’entendons de celle espece de Corbin, qu’on voit si frequent par les terres labourables avec le bec blanc, qu’on nomme en bon langage un Freux, ou Graye, ou Grolle. N’en deplaise aux autres contrees de France, si disons que les paisans du Maine ont les dictions plus pures pour exprimer les oyseaux. Il nous est advenu en la cognoissance des oyseaux tout ainsi qu’en celle des herbes : car comme les anciens se fussent desdaignez d’employer leur temps à descrire une plante par le menu, qui leur estoit vulgaire, comme peut estre un chou, tout ainsi une Corneille, pour estre trop vulgaire, n’avoit esté descrite. Aristote ha fait cela sur beaucoup d’animaux : Theophraste, & Dioscoride es herbes. Cela ha fait, que nous ayons beaucoup d’animaux & d’herbes en doute, à qui nous ne sçaurions trouver nom ancien : car alors les autheurs descrivants une chose vulgaire, pensoyent satisfaire de se prendre à dire ce qu’ils trouvoyent de plus singulier en leur nature & vertu. Cela est advenu en l’oyseau que les Grecs ont nommé Coroni, que nous disons en Françoys une Corneille. Nous sommes maintenant en peine pour sçavoir que c’est que Coroni. Pensera lon point que soyons trompez de nous mettre en peine de chercher qui est la Corneille ? Ce neantmoins ce n’est sans raison : car on la confond communement avecques la Grolle ou Freuz, nommé en Grec Spermologus, & en Latin Frugilega, & Gracculus. Parquoy celuy qu’on nomme en quelques lieux un petit Corbin, est le Cornix des anciens : dont lon en voit une espece, qu’on nomme Corneille emmantelee. Et pource qu’elle est aussi nommee une Graye, il y en ha qui ont pris argument