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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/359

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& de l’espeautre, que les Italiens nomment du Far : car les Grives ne peuvent vivre de grains. Encor fault avoir egard, que quand lon en prendra une partie pour tuer, on n’effarouche point les autres : car oultre ce qu’elles ne s’engraisseroyent, se laisseroyent mourir. Ceux qui les sçavent gouverner doulcement, les engressent à moult grand proffit. Les saulvages mangent aussi la faine, & vivent du guis des arbres. La Grive, surnommee Calendre, le Mauvis, & la Litorne ont un petit bec court, mais la vraye Grive l’ha plus jaulne. Lon ha acoustumé de mettre des pots pour attirer les Grives à faire leurs petits sur le hault de quelque arbre : autrement estants saulvages, ont acoustumé de le faire de fange à la maniëre des Merles : mais la Grive l’encruche beaucoup plus hault, & aussi le fait de plus grande industrie. Nous voyons les petites Grives en touts temps, combien qu’il semble qu’elles s’en partent hors du païs d’Aristote : car il dit qu’elles se cachent, & de fait elles vivent l’esté des guis des arbres de Sapins, mais l’hyver vivent des semences des guis sur les arbrers fruictiers. Les medecins anciens dient, que la chair des Grives est plus dure que celle des Poulles, Perdris, ou Francolins : mais qu’elle engendre bonnes humeurs, & que sa chair n’est excrementeuse. Lon ha acoustumé de les farcir avec des baques de Mirthe, & les rostir, pour donner à manger à ceux qui ont le flux de ventre. Les Grecs voyants les Grives se repaistre des graines de Lentisques, les nomment Scynopoulli. Comme aussi estants frequentes au païs des Myrthes, dient Myrthopoulli. Ceste grande est de plus excellent goust que les trois autres.

De la petite Grive.
CHAP. XXXII.


CE NOUS eust esté mesme chose avoir descrit la petite Grive au chapitre de la grande, sans en faire particuliëre d’escription separee : toutesfois nous l’avons fait pour rendre meilleure intelligence de quel oyseau pretendons parler. Ceste petite est celle que nous voyons communement voler à grandes troupes, & qui est la plus commune en noz plaines de France : & laquelle lon maintient pour la vraye Grive, combien que ce ne la soit pas, qui ne la dit estre la petite espece. C’est donc à bon droit qu’Aristote, au vingtiesme chapitre du neufiesme livre des animaux, en ha fait diverses especes en un mesme genre. Nous avons l’authorité de gents de ce royaume, hommes sages, & doctes, & constituëz en dignité, à qui avons fait voir qu’il y ha des vrayes Grives en ce paÿs cy, & qu’on en prend aussi l’hyver : ils nous seroyent tesmoings d’avoir veu la grande Grive une fois & demië plus grande que la petite, qui est de la corpulence d’un Merle, celle des-ja qu’on nomme vulgairement Grive : n’ayants autre difference entre eux, sinon que la grande est beaucoup plus madree de moindres taches. Leurs becs, jambes, & pieds sont de mesme couleur. Et à fin qu’on ne pensast que les plus grandes soyent les plus vieilles, & les petites plus jeunes, voulons faire sçavoir que ce sont especes differentes, par ce mesmement qu’elles sont de mœurs differentes, & que comme la grande est rarement prise en noz contrees, aussi la petite est rare au lieu ou il y ha grande quantité des grandes. Les grandes se paissent