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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/37

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but, mais nous ferons voir plus à plain en nos suyvants chapitres en la description des oiseaux, qu’il ne l’eust sçeu faire, sans l’observation oculaire du naturel des animaux : car combien que les aveugles puissent philosopher & contempler les choses, les pensant en leurs esprits, si est-ce qu’il y a des choses en nature qu’il fault necessairement avoir veuës pour en avoir la science. Le sçavoir de ce qui est contenu tant au dedans qu’au dehors, de la grande machine des cieux & du monde, au moins de ce qu’on en peult exprimer par parole, ou imaginer en esprit, ne peult estre rendu intelligible à quelqu’un pour estre appris avec facilité, que par deux seules voyes : c’est à sçavoir, ou par imagination de ce que nous en pouvons concevoir en notre intellect, qui est à dire ce que les autres nomment l’intelligence : ou bien par ce qu’il s’offre tout manifeste à noz sens. Aussi toutes les choses qui peuvent entrer en l’intelligence de l’homme, ne peuvent estre comprinses de celui qui les apprend d’autruy, ou bien estre rendues intelligibles par quelqu’un qui les veult enseigner à un autre, que par raison, ou par choses sensibles. Parquoy toutes sciences tant contemplatives & hautaines, que basses & moins dignes, qui sont mises en consideration à tout homme, tant de lourd que de subtil esprit, n’ont que les deux susdictes voyes : c’est à sçavoir ou par raison, pour la foy & probation en imaginant ce qui est en la science, ou par la demonstration mise en l’experience d’icelle. Il fault donc qu’on mette la definition d’un homme sçavant, & contemplatif, non comme le vulgaire pense, qui sçait un peu de Grec, de Latin, ou d’Hebrieu, ou pour avoir traduit quelque livre d’une langue en autre, mais qui est expert en ce devoir, duquel lon peult asseoir certain & asseuré jugement en toutes choses, de ce qui est, ou n’est pas tel en l’estre & arbitre de nature : comme aussi faut definir la science, une faculté eternelle ou puissance qu’on peult asseurer par raison, au devoir & office qu’avons dit estre es choses qui sont en l’estat & arbitre de nature : & pour nature entendre toute substance & temperature provenant de la commixtion des quatre elements. Donc si nous advouons que le sçavoir des hommes contemplatifs n’est que comme un officier de la science, aussi accorderons que le sçavoir n’est qu’une faculté en tel office : & ordonnerons que le sçavoir est pour le jugement & certitude de ce que nous proposons en noz pensees, & que la science est en la nature de la matiere proposee : reduisans les amas des choses que les hommes ont controuvees par leurs exercitations qui tendent à quelque bonne fin pour l’esgard de noz vies, en l’estat des arts, c’est à dire des mestiers, à fin de ne confondre ce qui leur est deu avec ce qui appartient à la science. Et ainsi entendrons la raison pourquoy l’ignorance a esté commune à grande partie des hommes, tant anciens que modernes : Et que comme aucuns endurent qu’on les estime demis dieux terriens sans avoir rien merité du bien public & de la posterité en leur vie, ne voudroient perdre une minute d’heure de leur aise pour toutes les sciences du monde, mais se sentiroyent molestez d’avoir donné une heure de temps à entendre les choses excellentes, ausquelles les hommes de bon esprit s’exercent pour s’enrichir de sçavoir. Ceuls qui ne se daignent amuser à entendre l’artifice des œuvres memorables de nature, & n’ont cure d’eslever leur esprit plus hault qu’en ce qui leur est sensible, ne peuvent estre induits à prendre quelque admiration de la grandeur de nostre supernaturel & plus que nonpareil ouvrier : ainsi ne trouvent plus de contentement d’esprit en leur vie, que si leur fortune estoit egale aux autre animaux, qui n’ont