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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/370

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tantost varier le dessus, quasi le jectant en fusee, tantost courber les notes entiëres, & soudain les mener par feinctes, & puis les distinguer, & decouper par pieces, comme en minimes crochues : tantost les assembler, puis les demener comme leur baillant des entrelassures : & de lá les allongeant, soudain il les delaisse, & puis les reprenant, il obscurcist sa voix au despourveu, quasi comme en tremblant : tantost apres murmurant en soymesme, ne chante que le plain chant, l’une fois si pesant, qu’il semble prononcer les notes par semibreves : tantost il les deprime, menant sa voix en bas ton, & de prin sault, il fait l’accent agu comme chantant en faulcet, l’autrefois frequente ses tons, l’autrefois les estend, & lá ou il luy plaist, les darde haultains, moyens, ou bas : tantost il contrefait son chant muant sa voix en diverses façons : voulant quasi qu’on pense que c’est d’un autre oyseau. Et puis se remonstrant, chante quelque peu en vers de rythme : tantost se met à poursuyvre en prose. Quel instrument, qu’ayent peu fabriquer les hommes ? quelle Harpe, Lut, ou Espinette pourra lon mettre en comparaison de son chant ? Ja maintesfois ha donné plaisir beaucoup de matinees au lever de celuy qui ha expressement dormy entre les arbrisseaux fueilluz, pour observer sa plaisante voix armoniëuse, pour en estre tesmoin. Parquoy il fault nous accorder, qu’il surpasse l’artifice humain en ceste science, & qui plus est, il se delecte tant de nostre musique, qu’il se laisse prendre pour le desir qu’il ha de l’entendre : car quiconques ira en un lieu ou il y ha des Rossignols, & lá sonne doucement d’un Lut, Violon, Espinette, ou Harpe bien accordez, voirra les Rossignols le venir escouter si attentivement, qu’ils monstrent en estre totalement raviz : & s’il y ha rameaux engluez lá aupres, ils ne fauldront à se venir jetter dessus : & par ce moyen demeurent prisonniers. Mais tout ainsi comme ils sont esprins de la doulceur de l’armonië des instrumens de musique, tout ainsi s’esmerveillants d’une voix aigre & mal plaisante, monstrent en estre indignez, & esprins de despit : car si quelcun lioit un Chat au pied d’un arbre, & luy attachoit une cordelle, dont le bout en fust bien loin, en quelque lieu ou il y eust des rossignols, & tirant la corde, fit crier ce Chat, ou autre animal, duquel le cry fut mal plaisant & aigre, alors les Rossignols monstrants signe d’estre effrayez, iront voletants autour du Chat, comme indignez. Quoy sçachants les oyseleurs, mettent des gluaux aupres, & les prennent par telle maniëre. Lon trouve qu’il y ha difficulté en l’appellation Grecque du Rossignol : d’autant que le vulgaire ne fait distinction pour le jourdhuy de luy à un autre nommé Potamida. Car si bien quelques escrivains modernes se tenants fort de l’appellation du vulgaire, nomment le Rossignol Potamida, disons que c’est erreur : comme sera prouvé au chapitre de la Fauvette brune. Joignant aussi que les anciens le nommoyent Aidon. Nous estimons que l’erreur vient de ce que le Rossignol mue sa couleur en divers temps. Il y ha difficulté de bien le sçavoir nourrir en cage. Mais nous l’appellons de divers noms : car celuy qui ne se depart des forests, est nommé Ramage : Et dit-on qu’il est plus permanent en la doulceur de son bien chanter. L’autre se tient tant seulement par les bocages, le long des prairiës, & dedens les hayes : qui est celuy qu’on estime le moins. Touts Rossignols cessent de bien chanter tout le long de l’autonne, & l’esté jusques au printemps. Et pource qu’il n’ha que faire de force pour mascher la viande dont il se nourrist, nature luy ha donné un petit bec : mais ha bien grand ouverture de gueule. Il ha bien la providence de n’avaller aucun