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Page:Pierre Belon - L'histoire de la nature des oyseaux.djvu/89

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la saulvagine. Nous en dirons encor d’avantage au vingt & uniesme chapitre, ou nous dirons que les anciens seigneurs Perses, Asiatiques, Grecs, & Latins n’avoyent coustume de si bien apprester les oyseaux, comme nous faisons maintenant, & qu’ils se trouvoyent aussi contents de manger des poyssons, que nous de toute maniere de gibbier. Nous nommons maintenant les jours maigres, quand lon n’y mange rien de gras, & pour ne manger rien de gras, entendons vivre de poysson. Car comme les Latins par les termes de leur religion ont le vendredi, & le samedi en la sepmaine, & les vigiles, & un caresme par chasque annee, tout ainsi les Grecs ont le mercredi, en eschange du samedi. Et pource qu’ils ne font les vigiles en divers temps, ils ont deux caresmes par chacun an, qui sont en diverses saisons. Et nous ayants dedié les jours, les uns pour les viandes terrestres, & volailles, avons horreur de voir manger du poysson es jours gras. Mais les Anglois absouls par la loy du Roy, au moins leur ayant donné liberté, toutesfois les ha contraincts au poysson. Non qu’il veulle attribuër cela à la religion, mais ne voulant perdre le profit qu’ils resentent de la mer, & que les hommes ayent occupation en mer s’exerçants au fait de la pescherie.

Particuliere distinction de la nourriture prinse de chaque oyseau, ou de leurs parties interieures.
CHAP. XIX.


TELLE est la consideration de la pasture des oyseaux, que de la nourriture de l’homme. Quand nous voulons nourrir, quelque oyseau de proye, de campagne, ou de riviere, nous approchons de son naturel le plus que nous pouvons : aussi les hommes, qui au regard des autres animaux, ont election sur toutes les viandes, sçavent nommer diverses saveurs, sur les oyseaux. Il y ha plusieurs especes d’animaux, qui avalent ce, dont ils vivent, sans le mascher, & toutesfois ont telle election de la saveur de ce qu’ils mangent, qu’ils laissent tousjours le pire pour le meilleur. Il ne fault donc que nostre vulgaire pense, que ce que nous appellons friandise, doive estre prise en mauvaise partie, attendu que les hommes ont encor meilleur jugement des gousts que les autres animaux, & desquels ils trouvent diverses parties estre de differentes saveurs : Car comme les bestes terrestres ont le groing, les aureilles, les pieds, le foye, les intestins, la sang avec diverses parties interieures : tout ainsi il y ha plusieurs oyseaux, desquels lon acoustre les parties exterieures separement. Cecy est pour nous conformer à ce que Pline ha escrit, disant ce que les Romains avoyent coustume de faire, mettre les crestes & barbillons des Poulles en paste, & les manger en delices. Galien parlant de la vertu des aliments en son troisiesme livre, s’accorde au dire de Pline en ceste maniere : Gallorum autem gallinaceorum cristas ac palearia (dit il) nemo nec probarit, nec etia damnaverit. Voulant dire que quant à luy il ne louë ne blasme l’usage de les manger. Il appert par ce qui ensuit au mesme chapitre ja allegué, qu’il louë grandement les genitoires des Cocs, qui n’est chose hors d’usage : Car je sçay qu’il y ha des hommes de nostre temps qui se les sont fait amasser par les boutiques des pasticiers, & rostisseurs