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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/286

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LE JOURNAL.

Quel autre eût-il été que le petit être qui depuis quinze jours emplit toute ma pensée, est toute ma vie.

Oui, je pensais à elle, à ma chère Raymonde, à ma fille.

Je la voyais, d’abord telle qu’elle est. Sur ce petit visage chiffonné, ratatiné, si gracieux pourtant, je devinais les joies, les chagrins aussi de la toute première enfance. Mais bientôt, cette mignonne figure s’épanouissait, prenait forme, se dessinait : alors apparaissaient deux yeux vifs et intelligents, une bouche souriante, et c’étaient tous les gestes charmants, les mille mignardises, tous ces riens exquis, qui font le baby et la joie d’une mère.

Doucement, pas à pas, je suivais le développement progressif de ce petit corps, et celui, bien plus encore intéressant, captivant, d’une âme frêle, délicate et neuve. J’en devinais les premiers tressaillements au souffle de la vie. Je voyais s’ouvrir ce petit cerveau vierge aux idées élémentaires, qui s’y gravaient successivement.

Un jour, triomphante, toute grisée d’une joie ineffable, je recueillais la première pensée, que je guettais, attentive, impatiente et jalouse.

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