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Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/308

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LE JOURNAL.

De nouveau il s’arrêta.

Son corps était à tout instant agité par des mouvements nerveux et les traits de son visage se contractaient affreusement.

Je demeurais immobile, n’osant faire le moindre mouvement, tant j’avais peur de troubler le silence dans lequel allait être jetée la vérité, si impatiemment attendue, si terriblement annoncée. J’étais toute remplie d’effroi. Il me semblait que mon cœur, qui tout à l’heure battait à se rompre dans ma poitrine, s’était subitement arrêté.

Tout à coup, Roger tressaillit. Ses yeux, démesurément ouverts, s’enflammèrent d’un éclat farouche. Il me saisit les deux poignets, qu’il pressa comme avec rage, si fort que je poussai un cri, et d’une voix frémissante, terrible, toute pleine de désespoir :

— Mais vous ne comprenez donc pas, malheureuse, s’écria-t-il, vous que j’aime, que j’aime au point que j’en suis devenu fou, vous que j’aurais voulue à moi, tout à moi, rien qu’à moi ! Vous ne comprenez donc pas, insensée que vous êtes, que c’est de lui, oui, de lui, de cet homme qui vous fit tant souffrir, à qui vous avez appartenu, son père à elle, que c’est de cet être exécrable que je