Page:Pierre Corrard - Le Journal d'une Femme du Monde, 1902.pdf/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
LE JOURNAL

C’est un parvenu. Dieu me garde de lui en faire un reproche ! Encore que l’esprit tout imprégné d’idées archaïques, je ne suis pas assez sotte pour ne pas me rendre compte qu’aujourd’hui ceux qui n’avancent pas reculent, et qu’à côté des parvenus et des parvenant, il n’y a que les dégringolant et les dégringolés ; qu’entre ces deux classes d’individus qui composent la société, la première est de toute évidence supérieure à la seconde. On disait autrefois avec fierté : « Je suis le fils de mon père ». L’on dit aujourd’hui plus fièrement encore : « Ma position, c’est moi qui me la suis faite ; le rang que j’occupe dans la société, c’est de mes propres ailes que je m’y suis élevé ; par mon intelligence, mon travail et mon activité, je suis parvenu là où tendaient mes efforts : je suis le fils de mes œuvres. »

Mais cela n’est pas tout à fait le cas de M. Grandidier. D’abord, ce n’est pas lui qui a fait sa fortune : il est fils d’un parvenu et non parvenu lui-même, ce qui ne se ressemble pas du tout. Encore pourrait-il profiter intelligemment, dignement, de la fortune qu’il a trouvée dans son berceau. Mais non : il est tout juste bon à manger bêtement les fruits