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Page:Pierre Corrard - Les Opalines, 1908.pdf/87

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LES OPALINES


Cette ombre me regarde en quelque endroit je sois.
Si je marche, elle suit : si je tente une fuite,
La voilà qui soudain se jette à ma poursuite.
Si je m’arrête, elle m’imite près de moi.

J’ai tout fait, mais en vain, pour me dégager d’elle,
J’ai rusé bien longtemps, je n’ai pas réussi :
Elle s’obstine à me poursuivre sans merci ;
Ce m’est comme une amante implacable et fidèle.

Maintenant résigné, quoique rempli d’effroi,
Je la subis, cette ombre, et son commerce hargne.
J’ai renoncé par force à ce qu’elle m’épargne ;
Nous sommes des époux : cette ombre, c’est mon Moi.

Heureux, cent fois heureux sont les rudimentaires,
Ceux qui portent leur Moi indépendant si peu,
Si léger et si nul, qu’il n’est jamais pour eux
Ce tragique étranger qui me suit solitaire.