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une correction ; une très petite force n’imprime pas à un mobile très massif un mouvement très petit ; elle ne rébranle pas du tout. Ce résultat de nos quotidiennes expériences, tous les mécaniciens de l’antiquité et du moyen âge l’admettaient, sans l’analyser, comme une loi première de l’équilibre et du mouvement ; de là, la nécessité de compléter les énoncés précédents par les propositions que voici :

«Quatrième : Si une vertu meut un corps quelque temps, en quelque espace, il n’est pas nécessaire qu’une telle puissance meuve un double poids, en un double temps, deux fois cet espace ; parce qu’il se pourrait faire qu’une telle vertu ne pût pas mouvoir ce mobile. »

«Cinquième : Si une vertu meut un corps tant de temps, en tant d’espace, il n’est pas nécessaire que la moitié de cette vertu meuve ce même mobile dans le même temps la moitié d’un tel espace, car peut-être il ne le pourrait pas mouvoir. »

Ces restrictions annoncent l’impossibilité de certains mouvements auxquels ne répugnerait pas l’axiome d’Aristote ; elles font prévoir certains équilibres qui ne découlent pas de la Statique péripatéticienne. Nous en verrons la portée lorsque nous exposerons les idées de Léonard de Vinci touchant le mouvement perpétuel. Pour le moment, bornons-nous aux conséquences qui se tirent de l’antique Principe.

Parmi ces conséquences, il convient de citer au premier rang celle qu’Aristote avait déjà obtenue, la loi d’équilibre de la balance ou du levier ; Léonard de Vinci la formule à son tour[1] : « Cette proportion qu’aura la longueur du levier avec son contre-levier, tu la trouveras de même dans la qualité de leurs poids et, semblablement, dans la lenteur du mouvement et dans la qualité du chemin par-

  1. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. A de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 45, recto. Paris, 1881.