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plus courte ; et où il y a plus de pesanteur, il y a un plus grand désir, et la chose qui pèse le plus, laissée libre, tombe le plus vite... » — « Le poids[1] pousse toujours vers le lieu de son départ... Et le lieu du poids est unique ; c’est la terre. » Cette proposition peut servir de principe pour expliquer l’équilibre et le mouvement des eaux : « Cette chose est plus haute qui est plus éloignée du centre du monde[2], et celle-là est plus basse qui est plus voisine de ce centre. L’eau ne se meut pas de soi si elle ne descend pas et, se mouvant, elle descend. Que ces quatre conceptions, prises deux à deux, me servent à prouver que l’eau qui ne se meut pas de soi a sa surface équidistante du centre du monde... Je dis qu’aucune partie de la surface de l’eau ne se meut de soi-même, si elle ne descend pas ; donc la sphère de l’eau n’ayant aucune partie de surface à pouvoir descendre, il est nécessaire par la première conception qu’elle ne descende pas. »

Sans doute, l’eau semble parfois monter spontanément et certains appareils hydrauliques exploitent cette propriété ; mais, en réalité, on n’obtient en ces appareils l’ascension d’une petite quantité d’eau que par la chute d’une très grande masse ; c’est ce que fait observer Cardan[3], traitant de « la vis d’Archimèdes. Donc il semble que cet argument ne conclud : L’eau descend perpétuellement, donc, en la fin, elle sera en un lieu plus bas qu’au commencement. Toutefois, elle ne descend pas tousjours, mais la partie qui descend la plus grande pousse la plus petite et la contraint de monter. »

Telle est donc la loi générale des mouvements produits par la gravité ; aucun corps ne monte qu’il n’en descende

  1. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. C de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 6, verso. Paris, 1888.
  2. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. F de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 27, recto ; fol. 26, verso et fol. 30, verso. Paris, 1889.
  3. Cardan, Les Livres de la Subtilité, traduis de lalin en françois par Richard Le Blanc, Paris, l’Angelier, 1556, pp. 12 et 13. — Ce passage ne se trouve pas dans la première édition du De Subtilitate ; il a été ajouté en la seconde édition.