Et ce qui faict que vous esmerveillez,
Vous les verrez eu velours habillez
Errer parmy la trouppe plus espaisse,
Et exercer les tours de leur souplesse,
Fendre la presse et souvent repasser
Et en passant l’un l’autre se pousser,
Guettans tousjours si quelque riche proye
Vient s’élancer et tomber en leur voye :
Estans si fins et si malicieux
Que d’autant plus qu’ilz verront, soucyeux
Quelques marchantz de bien garder leurs bourses,
Plus dessus eux ilz dresseront leurs courses,
Et les suivront d’un si subtil moyen
Que c’est grand cas s’ilz ne leur prennent rien.
Mesmes ilz sont si remplis d’impudence,
Que sans avoir aux mechantz connoissance,
Ilz leur viendront la chere demander,
Et lorsqu’ils sont fichez à regarder
Ces inconnus qui ainsi les abordent
Et que d’argent plus ilz ne se recordent,
Tandis leur bourse est couppée en leur sein,
Et lorsqu’elle est baillée en tierce main
Et est desjà bien avant esgarée,
Ilz leur diront d’une mine asseurée
S’ilz sont point ceulx lesquelz ilz nommeront ;
Eulx le niant, aussitost s’en iront
Usans devant d’une legere excuse,
Et cependant avecques telle ruze
Sont les marchans destruictz le plus souvent
Ne trouvans rien en leur sein que du vent.
Que si la main du matois est trop tarde
Et que foüillant la bourse on le regarde,
Si n’est-ce rien contre cet homme faict,
D’autant que luy, comme larron parfaict,
Va tout niant avec audace telle
Qu’on n’ose pas l’attaquer de querelle,
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