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néphélococugie

Ne cherchant rien, d’un courage esperdu,
Que son plaisir méchant et deffendu.
Comme un chancreux, si on n’y remédie,
De plus en plus nourrist sa maladie
Qui ne luy donne aucunement repos
Jusques à tant qu’elle ay mangé ses os,
Et consumé d’une fureur cruelle
Tout le meilleur de sa tendre mouëlle ;
Et comme un ver qui au chesne se prend,
Plus il y est, plus vermoulu le rend :
Ny plus ny moins la volupté damnable
Se rendant d’elle une foys accostable,
Et luy ayant ses faux plaisirs appris,
Suce son cœur, aveugle ses espritz,
Va allumant de sa brillante flamme
Les fols pensers du cerveau et de l’ame.
Si d’avanture on la veut empescher
De ne pouvoir tous ses desirs chercher,
C’est lors, c’est lors qu’elle se fait connoistre
Et qu’on luy ouvre une plus grand’ fenestre
À se jetter aux vices bien souvent ;
C’est lors, c’est lors qu’elle va controuvant
Mille moyens tant sa rage l’incite
À pourchasser une chose illicite.
Heureux celuy qui ne connoist le mal
Que donne à l’homme un si fier animal ;
Il vit tout franc d’un dangereux servage,
Il n’a le nom de sot pour apanaige !
Le front levé, il se monstre en tous lieux,
Sans craindre en rien le nom injurieux
Qui appartient à cil qui tant s’oublie
Que d’esclaver soubz la femme sa vie.
Pauvre chetif ! qui en ces lacz tenu
Est, ou sera, ou doibt estre cornu.
Si nous eussions tous deux esté bien sages,
Sans asservir à ses douceurs volages