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une descente au monde sous-terrien

à son poste le dernier. Je me suis trouvé avec lui et avec deux dames anglaises, dans l’embarcation qui est restée le plus longtemps le long du bord : un petit canot ne pouvant pas tenir plus de quatre personnes, et où avaient été déposées des provisions. Toutes ces nacelles se sont rapidement dispersées sur la mer. Le Marvellous a continué sa course folle, et nous l’avons entendu se briser sur les rochers de l’île avec un fracas qui a couvert même le bruit des flots.

« À ce moment, le capitaine a paru saisi de frénésie. Il s’est levé dans le canot et s’est mis à gesticuler comme un dément, au risque de le faire chavirer et en poussant des cris affreux. Il a saisi ensuite un des avirons, et s’est avancé vers nous comme s’il eut voulu nous en frapper. Mes compagnes hurlaient de terreur, et moi, mes amis, moi qui ne suis qu’un pacifique naturaliste, je puis vous avouer que je ne me sentais guère plus rassuré qu’elles. Je ne sais pas combien de temps je vivrai encore, mais toute ma vie, cette scène atroce, où un fou furieux cherchait à tuer trois êtres inoffensifs, dans un esquif fragile et secoué par la mer énorme, ne sortira jamais de ma mémoire. »

— Ce devait être bien beau, en effet ! interrompit Jean Kerbiquet, empoigné malgré lui par la grandeur de la situation.

En l’honneur de l’étranger, le président traduisait en français à mesure qu’il lisait, et cela ne pouvait avoir aucun inconvénient, puisqu’à l’Académie des sciences de Saardam tout le monde entendait cette langue.

— Ce devait être affreux ! murmura Lhelma, que déjà l’émotion rendait malade.