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une descente au monde sous-terrien

Ce ne fut d’ailleurs pas long. Le requin, après avoir tourné quelques minutes dans l’eau transparente, fondit tout à coup sur le plongeur qui l’attendait. Il s’était légèrement enfoncé pour l’attaquer en remontant et lui happer un membre au passage. Le requin en effet a la bouche disposée en dessous et ne peut pas aborder ses ennemis de front, mais seulement en leur présentant le ventre.

L’homme fit avec beaucoup d’aisance une sorte de demi-culbute qui eut pour résultat d’éloigner ses jambes des mâchoires meurtrières. Et quand l’énorme poisson, ayant manqué son coup, et lancé de bas en haut, passa devant son visage, il le piqua, mais sans y mettre de force, dans la blancheur jaunâtre de sa face abdominale. Instantanément, le monstre entra en convulsions : pas une goutte de sang ne rougit la mer ; deux secondes après, le requin flottait à la surface, inerte.

— Dague empoisonné d’un poison violent, murmurait Francken. Décidément, nous sommes bien en présence d’un homme.

Le nageur, victorieux, avait tranquillement remis son arme dans sa gaine, et reprit son observation des passagers de la baleinière du Pétrel.

Évidemment, ce qui venait de lui arriver ne le troublait en aucune façon et faisait partie de la série d’incidents de sa vie journalière.

Jean Kerbiquet eut l’idée d’agiter au bout d’un aviron son mouchoir blanc. Le nageur changea immédiatement d’attitude. À la vue du symbole de paix, il regagna la surface, et se rapprocha de la barque.