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études politiques et sociales

à la base de tout le désarroi présent. Or, la question sociale est une question d’ordre passionnel rendue dangereuse par ces haines « sédimentaires » dont nul n’est à même de supprimer le dépôt ni même d’apprécier l’épaisseur.

Que l’on regarde maintenant autour de soi ; des fondations nouvelles ne cessent de se multiplier : Instituts, Bureaux, Comités, Académies il en résulte la construction ou l’aménagement d’édifices pour les abriter et la désignation de fonctionnaires pour les administrer. Si parmi ces institutions, il en est de contestables quant à leur opportunité, admettons que la plupart sont issues d’un dessein louable ou répondent à quelque besoin certain. Mais toutes jusqu’ici sont établies sur le principe de la permanence : permanences ruineuses. Pour les créer, il se rencontre encore quelques Mécènes dont la générosité toutefois ira en s’amincissant. Mais pour entretenir ou restaurer leurs façades pour maintenir le personnel nécessaire, pour solder les surplus imprévus qui paiera et avec quoi ?

Or, que l’on cesse d’enraciner au sol lesdites institutions, qu’on leur donne une organisation intermittente et comme un vague relent de campement, les voilà non seulement allégées d’entraves, déchargées de maints soucis mais encore accommodées au goût du jour. Ce goût du jour n’est point issu d’un caprice mais bien d’un instinct. La vitesse règne. L’existence est devenue trépidante aussi bien par la coopération incessante de la machine que par le recours continuel à la tension de l’organisme humain. Il n’y a pas d’autre remède que l’alternance des activités. Il faut tenter d’affaiblir une préoccupation par celle qu’on y substitue en évitant le cumul de l’une et de l’autre. Les émietter est une utopie, car chaque activité nouvelle doit avoir le temps de s’établir, de s’installer, de pénétrer l’être qui s’y donne. L’homme, en somme, se trouve soumis à la tyrannie de courants à haute fréquence dans une quantité de domaines. Et de tels courants ne sont supportables que s’ils s’interrompent et efficaces que s’ils se répètent. De là la diffusion de l’idée de « session » qui, directement ou sous des déguisements s’infiltre déjà de divers côtés. La session périodique contient de la sorte en germe la solution de maintes difficultés économiques en même temps qu’elle facilite à l’organisme de l’individu la détente devenue indispensable.

Union Pédagogique, 1928.