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Page:Pierre de Coubertin - Anthologie, 1933.djvu/47

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anthologie

gique à leur passer ce harnais divin qui fut ici fabriqué jadis : l’eurythmie.

Si, pour ce qui concerne l’utilisation de l’histoire universelle, la volonté de proportion représente un acteur indispensable, cette volonté n’interviendra efficacement qu’aidée parallèlement par des opérations de l’esprit. J’en signalerai deux, dont il me paraît qu’en ce domaine, nous devons acquérir l’habitude : d’abord la vue prismatique des hommes et des choses, puis la substitution de la notion de fonction à la notion de cause.

La vérité n’habite pas un puits d’où, selon la fable, il faille la faire sortir. Elle réside au centre d’un prisme. Les hommes se croient sages lorsque, traitant les idées et les faits à la manière des surfaces planes, ils en envisagent simplement l’avers et le revers ou, comme ils disent : le pour et le contre. Mais en réalité, la vue qu’il faut prendre est prismatique. On ne l’obtient qu’en tournant à l’entour de ce dont l’on veut juger et en complétant par un travail de libre réflexion les renseignements insuffisants fournis par la vision.

Lorsque s’affaiblit parmi les hommes l’idée des empires se succédant par décrets spéciaux de la Providence — thèse qui nous a valu l’admirable discours de Bossuet — ce fut la science qui se trouva appelée à administrer un domaine dont l’étendue et les ressources ne lui étaient encore qu’imparfaitement connues. Elle y installa le principe de causalité et en fit son intendant-général. On fut requis de s’adresser à lui en toute circonstance et, effectivement, il eut réponse à chaque question au moyen de bordereaux séparés où les faits s’enregistraient selon des règles rigoureuses de comptabilité historique. Cette doctrine implanta du moins l’habitude de l’investigation de détail et du contrôle consciencieux mais, si l’on ose ainsi dire, elle est foncièrement anti-universaliste. Ses qualités la condamnent à servir la myopie et à la développer en la servant. Il en va diversement de l’idée de fonction qui, d’origine mathématique, a en elle assez de puissance pour tout envahir — et tout féconder. Dans l’ordre naturel les phénomènes se révèlent, de plus en plus, fonctions les uns des autres. Il n’est pas surprenant qu’il en soit de même en histoire. À vrai dire, ce qui manque ici, c’est l’avantage de pouvoir utiliser des notations et des graphiques. La fonction en histoire ne se laisse pas suivre à découvert. Elle s’interrompt, se dissimule : on doit l’exhumer comme s’il s’agissait de quelque recherche archéologique. Elle n’en fournit pas moins des éclaircissements, un contrôle. Par elle, le parallélisme, l’interdépendance des événe-