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Page:Pierre de Coubertin - Anthologie, 1933.djvu/88

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études historiques

guistique dont, d’autre part, on ne relève pas dans l’histoire les motifs ethniques ? Les Portugais sont de même origine que leurs voisins ; leur vie première s’est écoulée au milieu des mêmes luttes acharnées dirigées contre l’Arabe, intrus et mécréant. Seulement ici, ces luttes sont demeurées locales et sans horizons. Sur les trois autres façades du quadrilatère ibérique des perspectives intéressantes s’ouvraient ; la quatrième ne donna longtemps que sur le vide de l’océan. La population qui s’y adossait réduite à elle-même et ignorant les contacts éducateurs dont profitaient les autres habitants de la péninsule, ne tarda pas à se différencier d’eux. Elle garda notamment son langage plus intact.

La croisade attirait nombre de chevaliers étrangers, français surtout. L’un d’eux, un prince de la première maison de Bourgogne, Henri, devenu l’époux d’une fille du roi Alphonse vi de Castille reçut de son beau-père les terres du bas-Douro avec permission d’y ajouter tout ce qu’en ces parages, il réussirait à conquérir sur les Arabes. Ainsi naquit le comté de Portugal proclamé indépendant en 1131 et érigé en royaume huit ans plus tard. Coïmbre en fut la capitale, puis Lisbonne. Des chefs sages et équilibrés développèrent les richesses agricoles du pays. On exploita des mines. Un commerce naquit avec l’Angleterre et les Flandres. La dynastie bourguignonne s’étant éteinte, une dynastie de sang national lui succéda. Dès lors, les progrès maritimes furent lents mais constants. Des Gênois et des Majorquais vinrent faire l’éducation des navigateurs portugais encore intimidés par le mystère océanique. Au xive siècle, une flotte se rendit aux Canaries. Lisbonne tendait à devenir une escale assez fréquentée. Alors s’exerça une initiative féconde. Le prince Henri (1394-1460), troisième fils du roi Jean ier, fondateur de la nouvelle dynastie et dont la mère était anglaise, s’éprit des découvertes géographiques. La légende a fait de lui un précurseur de Colomb. Ce qui le distingua, ce fut surtout son esprit scientifique. Jusque là les voyageurs étaient mus dans leurs recherches par l’intérêt personnel ; lui n’eut en vue que d’accroître les connaissances humaines. Aussi l’honore-t-on justement comme le créateur de la science géographique moderne. La côte d’Afrique, de son temps, livra ses secrets. En 1436, on explora jusqu’au Rio de Oro et, en 1446, on atteignit l’embouchure du Sénégal. Puis ce fut le Cap Vert, dont le nom évoque la surprise engendrée par cette verdure inattendue, car la croyance en l’aridité totale de la zone torride était alors universellement répandue. La surpri-