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études historiques

profité pour intervenir. Et malgré que cette proie lui fut disputée par le Danemark, la Suède, la Pologne, il s’en tira avec la possession assurée d’un port sur la Baltique : premier débouché maritime russe de ce côté. Mais du côté de l’est, ses conquêtes étaient de plus vaste envergure. Il existait un Khanat de Sibérie qui s’était formé au xve siècle en même temps que les Khanats de Kazan, d’Astrakan, de Khiva et de Boukara. Le khan de Sibérie dont la dynastie se rattachait à Gengiskhan avait sa capitale proche du lieu où s’élève aujourd’hui Tobolsk. La prise de cette capitale en 1582 ouvrait à la Russie les plus vastes perspectives asiatiques. Ainsi les destins demeuraient indécis. Et sans doute, il faudrait toujours s’inquiéter de ces Tartars de Crimée qui venaient encore de pousser leurs audacieux ravages jusqu’à Moscou — et aussi de ces Ukrainiens, frères par la croyance et à cause de cela, exposés aux entreprises du catholicisme polonais. Mais sans faillir à ces devoirs essentiels, la possibilité s’affirmait d’un effort persévérant et fécond au-delà de l’Oural… Pierre le Grand allait en décider autrement.


Charles-Quint, François ier et Henri viii.

Fondateurs du néo-impérialisme européen, Charles-Quint d’Autriche, François ier de France et Henri viii d’Angleterre ont déclenché la crise longue de quatre siècles des conséquences de laquelle l’Europe lutte encore pour se dégager. Cet impérialisme se distingue de ceux qui l’avaient précédé par son caractère essentiellement fantaisiste. Les empires du passé — asiatiques aussi bien que méditerranéens — s’étaient érigés dans un esprit différent. Quelque important qu’apparaisse le rôle joué dans leurs annales par l’initiative du souverain, celle-ci demeurait toujours plus ou moins subordonnée aux directives posées par l’intérêt collectif où les passions traditionnelles des peuples. On ne peut nier que l’épopée d’Alexandre n’ait été imprégnée d’hellénisme ni que celles de Taï-tsong ou d’Akbar ne se soient déroulées dans le plan chinois ou hindou. Comment ne pas reconnaître également que les césars, même les plus tyranniques, se sentirent incités, souvent malgré eux, à conformer leurs actes aux conditions dans lesquelles s’opérait l’évolution normale du monde ro-