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la chronique

miers, Waldeck-Rousseau était l’homme qui avait mis fin à la terrible querelle ; on eût dit qu’il gardait en poche la clef du cachot dans lequel était enfermée une bête malfaisante et pouvait, d’un geste, la lâcher à nouveau sur le pays. Or, quand même l’affaire Dreyfus, ainsi que nous l’avons dit déjà, n’avait jeté le trouble que dans les consciences de l’élite, elle avait, en même temps, jeté le trouble dans les affaires de tout le monde et l’émoi eût été grand de la voir renaître. Pour les seconds, cette préoccupation s’effaçait devant la présence de M. Millerand parmi les membres du cabinet ; là était le fait capital à leurs yeux ; Waldeck-Rousseau avait introduit un socialiste (et quel socialiste ! l’un des plus dangereux par son intelligence et sa pondération) au sein même du gouvernement : concession monstrueuse sur laquelle on aurait une peine infinie à revenir et dont, seule, une défaite éclatante infligée au présent ministère pourrait atténuer les redoutables conséquences. Voilà comment M. Waldeck-Rousseau, providence des uns, était devenu pour les autres une sorte d’antechrist. Sur tout cela planait l’équivoque dont nous avons étudié, au chapitre précédent, la perfide influence.